Quand on sait que près de la moitié des réfugiés sont des enfants (l’Humanité, jeudi 8 septembre 2016), on est en droit de se demander ce que devient leur scolarité une fois en France.

Quand on sait que près de la moitié des réfugiés sont des enfants (l’Humanité, jeudi 8 septembre 2016), on est en droit de se demander ce que devient leur scolarité une fois en France. L’UNICEF a publié en septembre un document alarmant sur le sort des enfants dits déracinés : « Nous assistons à l’un des plus grands mouvements d’enfants depuis la Seconde Guerre mondiale ». Ainsi, un-e migrant-e sur deux est un enfant. Quels sont les dispositifs déjà en place pour accueillir ces enfants ? Quelles en sont les limites ? Où en sommes-nous en matière de respect de la Convention des droits de l’Enfant de 1989 signée à New York, sous l’égide de l’ONU ?

Fonctionnement :

Les enfants et les adolescents arrivent en France de diverses façons : par regroupement familial, via un accueil par des membres de leur famille, ou encore en tant que mineurs isolés dans la rue, puis en foyer lorsqu’ils sont recueillis. Pour le second degré, les familles ne peuvent pas inscrire directement les enfants dans l’établissement de secteur ; elles doivent d’abord se rendre CIO (Centre d’information et d’orientation) où elles sont reçues en espace accueil par le CASNAV (Centre Académique pour la Scolarisation des enfants Allophones Nouvellement Arrivés et des Enfants issus de Familles Itinérantes et de Voyageurs). Cette cellule sert à tester le niveau scolaire des enfants, en mathématiques, dans leur langue ou en français (pour les enfants de pays francophones). Les parents peuvent venir avec les bulletins du pays d’origine des enfants. Une fois qu’ils les ont testé-e-s, les enseignant-e-s corrigent et émettent un avis sur leur positionnement scolaire. Le CASNAV récupère les données, vérifie, et la DESCO envoie aux parents un avis d’affectation la convocation dans un établissement proche de leur domicile. Orientés vers des classes, ceux qui rejoignent une UPE2A reçoivent des cours de FLS – Français Langue Seconde 12 heures minimum la première année. Pour les enfants qui ne sont pas allés à l’école dans leur pays, ont été créées des UPE2A-NSA (pour élèves Non-Scolarisés Antérieurement) où, en groupe de 15 maximums, ils sont alphabétisés et introduits plus progressivement dans les classes ordinaires.

Car le principe des UPE2A, comme des ULIS, est celui de l’inclusion : les élèves suivent avec leurs camarades nés en France les cours d’EPS, musique, arts plastiques, mathématiques…, et ils se rendent en FLS pour les matières qui nécessitent une connaissance plus avancée du français (histoire, SVT, physique..). L’inclusion permet aux élèves d’avoir d’emblée leur place dans un système scolaire dont ils comprennent progressivement le fonctionnement, et d’apprendre plus rapidement le français en étant immergés dans un bain de langue continu, en cours comme auprès de leurs pairs francophones.

(Les limites du système actuel)

Les difficultés rencontrées sont, sans surprise, avant tout liées aux moyens alloués : les élèves allophones pâtissent d’abord comme les autres du manque de places en structures ordinaires dû à l’imprévoyance du ministère qui n’a pas tenu compte de la montée des effectifs en collège et lycée, montée pourtant parfaitement mesurable dès les années 2000.

De plus, n’a pas été calculée la hausse des effectifs de nouveaux arrivants, malgré un contexte de crise migratoire hors du commun : de ce fait, les structures spécifiques UPE2A s’avèrent insuffisantes, et beaucoup d’élèves allophones ne trouvent pas de place, soit parce que les UPE2A des collèges voisins sont déjà remplies (parfois au-delà des 30 élèves), soit parce que l’établissement n’a plus de places en classes ordinaires. Certains élèves attendent donc des mois à la maison, à tel point qu’ils retournent parfois au pays pour pouvoir simplement aller à l’école. L’Etat est clairement en faute, qui n’honore pas son devoir de scolarisation des enfants de moins de seize ans.

Quant aux adolescents ayant dépassé cet âge, ils risquent davantage encore de se trouver « sans solution ». C’est le cas notamment des 1500 mineurs isolés de Calais, pour lesquels seulement cinq éducateurs sont détachés (!) : que va-t-il advenir d’eux dans les centres d’accueil et d’orientation où ils sont dirigés, et où ils ne devraient pas rester longtemps ? Il faudrait que soient créées des structures en lycée capables de les accueillir, notamment pour ceux qui n’ont pas été scolarisés dans leur pays.

Mais les solutions envisagées par l’institution pour faire face au scandale du nombre croissant d’enfants allophones non scolarisés ne passent malheureusement ni par la création d’autres classes d’accueil ou établissements scolaires en nombre suffisant, ni par l’augmentation du nombre de postes de professeurs spécialisés, crise de recrutement oblige. Dans le Val d’Oise qui accueille désormais autant d’élèves allophones que le 93, malgré un CASNAV impliqué dans l’amélioration de leur scolarisation, l’argument avancé est comptable : on ne peut décemment pas demander d’autres UPE2A car il y en a assez sur le département, certaines étant même en sous-effectif car leur implantation géographique ne correspond pas à celle des familles. Là où l’école, loin de s’adapter aux élèves, se soumet aux chiffres…

Il est plutôt envisagé de réduire le droit des élèves allophones à suivre les cours de FLS : ils n’auraient plus droit qu’à un an en UPE2A, la deuxième année dite « de soutien » leur étant refusée pour faire de la place à d’autres, alors même qu’elle est souvent indispensable à leur réussite scolaire. Autre piste : remplir les UPE2A bien au-delà du seuil des 30 élèves (pourquoi pas le double comme cela a pu se faire dans le 91 ?), ce qui signifie pour chacun moins d’heures, pour un enseignement qui n’aura plus rien d’individualisé…

Actualités :

Face à cette situation, des collègues d’UPE2A se mobilisent : à Argenteuil par exemple, une motion a été présentée en CA dans plusieurs collèges pour exprimer l’inquiétude devant le fait que les classes soient d’ores et déjà quasiment saturées, alors même que les élèves arrivent au fur et à mesure de l’année ! Mais l’action pour le droit à la scolarité des enfants de migrants doit prendre de l’ampleur, sous d’autres formes, au nom de l’égalité des droits que certains voudraient remettre en cause.

Il est important de déconstruire des lieux communs sur les migrants, dans le climat xénophobe que nous connaissons : les enfants arrivant en France sont extrêmement motivés par la scolarisation et la réussite scolaire. Souvent, ils font preuve d’une grande maturité et ont des objectifs clairs.

La Convention Internationale des Droits de l’Enfant interdit de renvoyer les mineurs isolés d’Europe. Le problème réside dans l’accession à la majorité de ces adolescents de plus en plus nombreux : ils sont alors expulsables, malgré le soutien de RESF (Réseau Éducation Sans Frontières), de la CIMADE pour l’aide juridique ou de l’action militante de la FCPE.

Horizon(s) :

La fermeture des CIO est d’une gravité inquiétante car cela entrave le processus d’approche et de scolarisation des enfants primo-arrivants. Par ailleurs, dans un contexte de conflits mondiaux et de poussée démographique, l’inaction du gouvernement en matière d’ouverture d’établissements laisse dubitatif…

Acronymes :

CASNAV (Centre Académique pour la Scolarisation des enfants Allophones Nouvellement Arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de Voyageurs)

CIO : centre d’information et d’orientation

DESCO (division des élèves et de la scolarité)

FLS (français langue seconde)

MDE (Maison de l’Éducation)

NSA (non scolarisé antérieurement),

UPE2A (Unités Pédagogiques pour Élèves Allophones Arrivants)