Nous avons reçu le texte suivant des DDEN, « La République contre son école » , dont nous recommandons la lecture, en complément de la publication de nos camarades C. Laval, F.Vergne, P. Clément, G. Dreux « La Nouvelle Ecole Capitaliste » (Ed. La Découverte) .*
"Le délégué", publication des Délégués départementaux de l’Education Nationale (DDEN) , propose un entretien avec Eddy Khaldi. En voici la reproduction intégrale
Ne pas confondre Public et privé
1. Ton action militante, tes dossiers, tes articles et tes livres précédents témoignent de ton engagement laïque. D’où vient celui-ci ? Peux-tu définir les principes de ce qui, chez toi – pour reprendre une formule de Ferdinand Buisson – apparaît comme une " foi laïque " ?
Eddy KHALDI : Mon cheminement a peu d’importance, il s’inscrit dans une démarche collective, associative, syndicale, politique héritière des idéaux des bâtisseurs de la République et de son école laïque. Dès le plus jeune âge, diverses empreintes laissées par l’éducation ont forgé mon identité et ont contribué à mon intégration sociale. Cette intégration par l’éducation visait à préserver la liberté absolue de conscience : « L’enseignement de la jeunesse a, dans la société, une telle importance, la première empreinte laissée dans les esprits subsiste avec une telle force dans le reste de l’existence, que le jour où l’Etat devait assumer la charge de l’enseignement public, il ne pouvait le donner que impartial et indépendant de toute doctrine religieuse. Cette indépendance et cette impartialité devaient avoir pour corollaire obligatoire le respect des croyances et des libertés de conscience. ». [1] Je revendique cette impartialité et j’essaie de rendre aujourd’hui ce que l’école publique m’a apporté hier depuis la maternelle : l’accès à l’égalité des droits pour construire mon identité sociale par delà les immigrations de ma famille, la construction de ma citoyenneté par la laïcité, en particulier, dans l’éducation populaire au Patronage laïque de Montluçon crée en 1913 et dans diverses associations de jeunesse.
2. Pour toi, à juste raison, l’Ecole laïque, dans son projet collectif intimement lié à la République, est inséparable de la démocratisation de l’enseignement. Pourquoi ? Comment ?
Eddy KHALDI : L’école obligatoire, gratuite et laïque, ambition collective, s’est construite dans notre pays non seulement comme un lieu d’enseignement et de démocratisation, mais aussi comme un élément de régulation sociale qui fondait l’idéal républicain. Dès 1830, alors que certains, au nom d’un principe dit « commercial », assignent à l’école communale la mission de former exclusivement un travailleur pour les besoins immédiats et de proximité de l’entreprise, d’autres visent, à former un futur citoyen intégré dans la vie économique et sociale au nom d’un principe dit « patriotique ». S’opposent ainsi deux conceptions pour les uns, c’est la démocratisation par l’égalité en éducation qui doit « être universelle, c’est-à-dire s’étendre à tous les citoyens ». Pour les autres c’est l’individualisation du rapport à l’école au nom de la liberté de choix celle de l’entreprise appliquée à l’enseignement pour former une élite. Il y a donc ceux qui défendent l’instruction pour quelques uns : « Folie bien plus funeste encore, celle qui consisterait à rendre ce même enseignement obligatoire. … car l’enfant qui a suivi l’école trop souvent ne veut plus tenir la charrue. » [2] contre ceux qui érigent l’égalité en principe : « l’égalité d’éducation n’est pas une utopie ; que c’est un principe » [3] …« L’égalité, messieurs, c’est la loi même du progrès humain ! C’est plus qu’une théorie : c’est un fait social, c’est l’essence même et la légitimité de la société à laquelle nous appartenons…. Avec l’inégalité d’éducation, je vous défie d’avoir jamais l’égalité des droits, non l’égalité théorique, mais l’égalité réelle, et l’égalité des droits est pourtant le fond même et l’essence de la démocratie. ».
L’enjeu républicain de l’Ecole c’est d’abord la République : « L’école laïque est la pierre d’assise des institutions républicaines. Il n’est donc pas étonnant que pour atteindre la République ses adversaires aient pour première pensée de ruiner l’école… » [4] . L’enjeu républicain n’a pas disparu pour autant lorsqu’en 2004 Nicolas Sarkozy, dans son livre « La République, les religions, l’espérance » coécrit avec Thibault Colin et Philippe Verdin affirme : « On ne peut pas éduquer les jeunes en s’appuyant exclusivement sur des valeurs temporelles, matérielles, voire même républicaines […]. La dimension morale est plus solide, plus enracinée, lorsqu’elle procède d’une démarche spirituelle, religieuse, plutôt que lorsqu’elle cherche sa source dans le débat politique ou dans le modèle républicain. […] La morale républicaine ne peut répondre à toutes les questions ni satisfaire toutes les aspirations. »
L’Université et la République ont les mêmes adversaires. En essayant de rompre le lien consubstantiel fort entre l’Ecole et la République, ne cherche-t-on pas à remarier l’Eglise et l’Ecole pour créer une brèche dans la séparation des Eglises et de l’Etat.
Pour parvenir à cet objectif, certains cherchent à discréditer l’école pour invalider ses principes fondateurs. Une attaque incessante des adversaires de l’Ecole publique condamnée par un catastrophisme conservateur perdure depuis plus d’un siècle : « L’épreuve est faite que l’école laïque, telle qu’elle est comprise et pratiquée, est la cause principale des maux dont souffre notre pays. » [5] Cent ans après le discours se radicalise : « Nous allons vers un génocide intellectuel »… « Nous parlons de débâcle de l’école publique car celle-ci se trouve, aujourd’hui, dans une situation d’étonnante analogie avec l’armée française en 1940 » [6] .
Chargés de la défendre, les ministres de tutelle, en première ligne, chantaient les louanges de l’enseignement catholique : « … l’enseignement privé a fait la preuve de sa capacité à accueillir des publics très divers, y compris des élèves en difficulté, et à leur proposer une pédagogie et un encadrement leur permettant de renouer avec la réussite scolaire, » …. « Depuis des années, vous vous êtes engagés dans ces deux voies de manière plus forte que l’enseignement public. » [7]
L’Ecole publique est davantage malade de l’état de la société que cette dernière n’est malade de son Ecole. L’Ecole n’est pas davantage responsable du chômage, que des inégalités sociales, ou des difficultés économiques du pays.
La prétendue crise de l’Ecole n’est pas son échec généralisé. Elle sert surtout d’alibi à une mutation du système éducatif par la concurrence et donc par le marché, dans une option néolibérale confondue avec la rénovation du système éducatif. A la clef, un transfert vers l’enseignement privé, présenté comme parangon de vertu : plus performant, moins couteux, plus sécurisé….
3. Dans l’époque de confusion où nous sommes, déjà ton livre précédent*, révélait combien, depuis plusieurs décennies, une offensive libérale soutenue par une Ecole catholique qui adhère à ce dessein, démantèle l’Ecole d’une République démocratique.
Peux-tu nous indiquer comment se sont opérés ce dénigrement et cette dénaturation du Service public d’enseignement, ainsi que le fallacieux alignement du public sur le privé ?
Eddy KHALDI : Cette offensive libérale prend argument des dysfonctionnements réels ou supposés de l’école publique et alimente le discours de dénigrement des partisans de la privatisation. Il n’est pas question d’occulter ni de réduire les difficultés bien réelles qui traversent l’Ecole ou l’Université. Mais, certains rapports instrumentalisent ces dysfonctionnements avec le dessein non dissimulé de la privatisation de l’education nationale. L’OCDE conforte cette logique : « La structure actuelle du système éducatif considérée comme archaïque, est appelée à disparaître au profit de structures plus souples, largement soumises aux lois du marché aussi bien dans leurs débouchés que par leur fonctionnement interne. L’institution scolaire proprement dite n’aura plus qu’à assurer la socialisation des jeunes et à leur inculquer, non plus essentiellement des savoirs, mais des compétences devant garantir leur employabilité et leur adaptabilité ».
« L’Etat enseignant » et les finalités constitutives de l’institution seraient cause de ses difficultés, alors, on « désinstitutionnalise », et ses ministres ne cessent de lui porter l’estocade : « On me dit que ça va tellement mal dans l’enseignement public que les français seraient une majorité à mettre leurs enfants dans le privé. Je réponds que l’enseignement privé sous contrat fait partie du service public… » [8] . Le ministre de l’Education n’est-il pas le premier responsable de cette présupposée débâcle ? Ce constat iconoclaste, hors de toute mesure, interroge : mensonge et cynisme incroyable ?
En qualifiant le dualisme scolaire de dépassé, ses instigateurs entretiennent le double amalgame public et privé, laïque et confessionnel. Cette confusion permet, en occultant les missions assignées à l’école de la République, de promouvoir les mérites présupposés des établissements privés pour invalider les principes fondateurs de l’école de toutes et tous.
Cette prétention illégitime de l’enseignement catholique, à « faire partie du service public », au nom de « sa liberté » d’entreprise, conduit l’État, d’étapes en étapes, à accepter de sacrifier son École publique laïque, dont il a constitutionnellement la charge pour alimenter une stratégie libérale au long cours.
Prétendre « faire partie du service public », sans la laïcité, procède en effet, à tout le moins, d’une vision cléricale qui méprise la liberté de conscience de citoyens en devenir autant que la neutralité de l’État, et préfigure une logique d’organisation de l’école publique et de la société, sur le mode communautariste. Les attaques contre la laïcité visent à la destruction méthodique de tous les services publics, de leurs valeurs et de leurs principes fondés sur l’égalité des citoyens et non sur celle des « communautés ».
Quand l’Etat érige en principe et finance directement sa propre concurrence, il privatise de fait le service public d’éducation au profit d’une religion. Quand l’Etat veut gérer l’école publique sur le modèle entrepreneurial et contractuel des établissements scolaires privés cela revient à privatiser le service public.
Les récentes réformes n’ont fait qu’accélérer une tendance longue qui vise à transformer profondément le fonctionnement de l’école, ses modes de régulation et ses objectifs. L’actuel secrétaire d’Etat chargé du logement Benoist Apparu avait vendu la mèche lors d’un « chat » sur le site du Monde, le 20 mai 2009. Il s’était alors dit « convaincu que la suppression de postes obligerait l’institution à s’interroger sur elle-même et à se réformer ». « Seule la baisse des moyens obligera l’institution à bouger », avait-il ajouté.
Dépolitisée, la question du dualisme scolaire déserte le débat démocratique, aveugle la réflexion sur l’intérêt général et provoque la double brèche du consumérisme scolaire. La loi Debré n’est pas une loi parmi d’autres, elle permet selon René Rémond, de « réunir ce que la loi de 1905 a séparé ».
4. Ne s’est-il pas agi de " casser cette République sociale que voulait le Conseil National de la Résistance " ?
Le MEDEF intitule significativement son programme : « Adieu 1945 », pour ajouter cyniquement : " raccrochons notre pays au monde ", sous-entendant que la société mondialisée d’aujourd’hui (dans ma jeunesse, à l’école, on l’aurait appelée – exception de quelques dictatures – capitaliste !) est le seul avenir possible.
Eddy KHALDI : En 1970, avec l’aggravation de la loi Debré, par la loi Pompidou, son rapporteur Olivier Giscard d’Estaing dans : « Education et civilisation, pour une révolution libérale de l’enseignement » suggère que « Le premier changement vise à remettre en cause le rôle de l’État et son monopole de fait. Il faut réaffirmer l’importance de la famille, des religions, des régions, des professions, et leur donner la possibilité d’accompagner pas à pas, au niveau de l’établissement, tout le déroulement de l’éducation et de l’enseignement. » Les plus intégristes soutenaient la démarche dans les années 1980, Philippe de Villiers dévoilait une stratégie visant à réussir le « contournement habile et efficace de la citadelle » du système éducatif français en instituant, d’une part, « la liberté de créer ou de financer des écoles » et, d’autre part, la « liberté de choisir son école ». Denis Kessler [9] en 2007, explique que le programme "ambitieux" de réformes tous azimuts lancés par le gouvernement de Sarkozy « possède une profonde unité » quand bien même « les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme… » Et l’éducation nationale.
IL S’AGIT NI PLUS NI MOINS DE : « sortir aujourd’hui de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »
En 2012, il y a plus que des glissements sémantiques entre « liberté » et « autonomie », plus que des coïncidences entre libéraux et enseignement catholique. Ainsi, Fondapol présidée par Nicolas Bazire nous propose : « L’école de la liberté : initiative, autonomie et responsabilité », et l’OCDE s’interroge : « l’autonomie des établissements favorise-telle la performance des élèves ? ». Comme un hasard, cette contagion touche aussi l’enseignement catholique qui publie, dans le même temps : « l’établissement privé sous contrat d’association : l’autonomie au service de l’intérêt général. » Il suggère que ce modèle est expérimenté pour d’autres dont le ministre Chatel se dit « très intéressé par les spécificités de l’enseignement privé ». La collusion est dénoncée à l’intérieur même de l’enseignement catholique. Ainsi, la Fep-CFDT juge pernicieuse « l’autonomie des établissements » derrière laquelle « se dessine un modèle libéral ». Son concurrent syndical, le Snec-CFTC révèle lui une : « conjonction permanente entre les discours de l’enseignement catholique et l’UMP ». Cette complicité n’est pas nouvelle, au lendemain du discours du Latran en 2007, son secrétaire général déclarait que « la laïcité positive n’ (était) pas étrangère à l’enseignement catholique ». Au fil du temps, il a accédé à un statut inédit, promu à la façon d’un substitut de service au public dorénavant rouvert à l’Église.
5. Trop longtemps, sur cette question de l’Ecole républicaine, la gauche fut " la grande muette ".
Comment vois-tu le pacte social de la liberté de conscience ainsi que le combat pour une Ecole pour tous que, désormais, doivent penser et mener les forces de progrès ?
Eddy KHALDI : Tu as raison où est alors la liberté de conscience quand l’école confessionnelle enrôle et souvent par défaut. En effet, il y a comme une imposture à vouloir recruter massivement et bien au-delà d’une demande liée à la foi. Ainsi l’enseignement catholique commet une sorte de péché « lucratif », en forme de publicité mensongère peu compatible avec une mission qui prétend s’inspirer des Évangiles.
Le paradoxe de la situation actuelle est celui d’une France largement sécularisée, et dans le même temps, une vie politique et sociale où les religions participent à la marchandisation de l’éducation. Claude Dagens, évêque et académicien, conscient de cette dérive reconnaît l’enseignement catholique comme cheval de Troie du libéralisme quand il écrit : « L’Église occupe ce terrain (…) au risque de se laisser instrumentaliser au service d’une logique de privatisation en mettant à la disposition des privilégiés des systèmes privés de soin, d’éducation, etc., dont l’inspiration catholique n’est plus qu’une source d’inspiration lointaine … ». Mais, cette instrumentalisation est revendiquée Depuis le Vatican par le cardinal Bruguès pour qui l’école doit rester le support d’une reconquête cléricale. Il indique que cette école est « le seul lieu de contact avec le christianisme ». Conclusion, « elle est un point crucial pour notre mission [i] ».
Sur le terrain, l’évêque de Toulon revendique : « L’école-communauté, catholique, pour retrouver son projet spécifique et son identité afin de relever le défi à la fois anthropologique et missionnaire. » …
La mise en œuvre de cette stratégie se développe, aujourd’hui, par des transgressions incessantes, souvent passées inaperçues, inimaginables pour une République laïque. Cet espace ne suffirait pas pour dresser le recensement détaillé de ces entorses institutionnelles.
On le voit, de nouveaux champs de bataille, plus sournois, s’ouvrent en permanence. Une guerre scolaire froide, sans cesse réactivée par les partisans de l’enseignement catholique, se déroule sous nos yeux. Hélas, l’époque est à une omerta politique. Un silence religieux s’est en effet installé, organisé à droite afin de mieux masquer le démantèlement de l’Éducation nationale et aidé inconsciemment par une atonie faisant figure de complaisance. Qu’il soit de connivence ou d’accommodement passif, ce silence conforte une collusion d’intérêts entre libéraux et cléricaux pour séparer l’École de l’État.
L’offre d’éducation de l’enseignement catholique investit désormais, avec les moyens de la puissance publique, de nouvelles cibles, des crèches aux facultés. Aujourd’hui, les tenants d’un enseignement privé veulent mettre en œuvre disent-ils « Un contrat global et unique entre le ministère et le Secrétariat général de l’enseignement catholique pour toutes les écoles » … avec un objectif libéral affiché : « Cela maintiendrait un fort clivage entre enseignement public et privé et les mettrait franchement en concurrence. ». Le secrétaire général de l’enseignement catholique, souhaite privatiser le service public et lui imposer son mode de gestion et de recrutement voire ses programmes et veut « Étendre la contractualisation avec l’État aux établissements publics … ». Il estime ainsi que la loi Carle instituant un chèque éducation n’est qu’ « un bon compromis à un instant T ».
Hier, considérée comme ringarde, la laïcité fait, aujourd’hui, florès et s’inscrit dans un unanimisme trompeur.
Pierre angulaire du modèle républicain, cette laïcité n’est-elle pas qualifiée de « positive » par ceux qui, hier encore, combattaient cette "vieille lune pour esprits attardés" ?
N’est-ce pas là le triomphe de l’équivoque ?
Cette entreprise de récupération du mot laïcité participe d’une volonté de dénaturation du concept dans des traductions très diverses et parfois antinomiques. D’une part, l’extrême droite et une partie de la droite, dans une attitude de façade, concentrent leurs feux sur l’islam, en convoquant la laïcité avec toutes les arrière-pensées que l’on sait. D’autre part, dans le domaine institutionnel, l’offensive menée par l’Eglise catholique sur l’Ecole, avec l’appui d’élus, de toutes tendances n’est plus à souligner.
Certes, on ne saurait réduire la question de la laïcité à celle de l’école. Pour autant, l’en exclure, maintenant, est un piège.
Pire, un reniement au regard de nos principes républicains.
Cette loi de 1959 en conférant à des établissements privés confessionnels à « caractère propre » le statut d’établissements publics a institué, dans l’éducation exclusivement, ce double amalgame : public et privé ; laïque et confessionnel.
Loin de s’éteindre, la guerre scolaire s’aggrave encore. Des projets nourris par L’Eglise annoncent même, la généralisation de la politique libérale au moyen du chèque éducation.
En 1984, l’abandon du projet Savary a stimulé d’âpres convoitises augurant d’un conflit perpétuellement entretenu.
Depuis, l’Eglise catholique voit là, en effet, un renforcement de la brèche ouverte par la loi Debré. Dès 1987, l’épiscopat s’y engouffre pour déclarer que l’heure lui semblait venue « de travailler avec d’autres à redéfinir le cadre institutionnel de la laïcité », appel du pied à un remariage entre l’Etat et l’Eglise pour conquérir de nouveaux privilèges.
Ces derniers jours, encore, le Cardinal français Jean Louis Bruguès responsable de la Congrégation pour l’éducation du Vatican, conteste le : « principe constitutif de la mission éducative universelle » de la laïcité française. En ligne de mire, derrière la question scolaire, il revendique la reconnaissance institutionnelle de l’Eglise et estime que la séparation avec l’Etat est « agressive ».
Consentir à des assouplissements à géométrie variable, selon les collectivités territoriales, selon les religions, aggrave la mise en cause non seulement de la lettre mais aussi de l’esprit de la loi fondatrice de séparation des Eglises et de l’Etat. D’une part, la laïcité doit être appliquée aujourd’hui pour ce qu’elle est, un principe global, juridique et politique, incluant la question scolaire. Ainsi, les partis ou organisations de droite et d’extrême droite ne pourraient plus travestir la laïcité et l’instrumentaliser pour séparer voire pour exclure. D’autre part, l’école est, depuis trente ans, le champ de bataille sournois de cette guerre silencieuse, sans réelle opposition politique. Guerre menée par alliance des cléricaux et des libéraux.
Ainsi, alors que l’Education nationale subissait une rigueur budgétaire inégalée, les établissements privés ont concentrés de plus en plus de faveurs gouvernementales.
En restant, aujourd’hui, muette sur le dualisme scolaire, institué au nom d’intérêts particuliers par la loi Debré, en finançant la liberté d’entreprise de l’enseignement privé, la gauche accédant au pouvoir ne doit pas oublier que la République n’a d’obligation que vis-à-vis du service public laïque qui, seul, concrétise l’égalité en éducation au nom de l’intérêt général. La laïcité peut, seule, rassembler pour réaffirmer la République autour de ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité.
L’instituteur et l’institutrice sont supérieurs au curé et au pasteur, non pas en tant que femme ou en tant qu’homme, mais par leur mission parce qu’ils accueillent dans la même communion civile tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, quelle que soit la religion ou non de leurs parents.
Supérieurs parce qu’ils assurent et garantissent la liberté de conscience des futurs citoyens et ne se servent pas du label de « liberté » pour inculquer dans l’éducation la religion ou l’idéologie d’un groupe particulier pour créer une fracture dans l’unité nationale.
Supérieurs parce qu’ils revendiquent l’égalité de toutes et de tous au nom de la laïcité.
Supérieurs, car, seul, le vivre ensemble dans l’Ecole de toutes et tous incarne la fraternité.
* Cet ouvrage est disponible à la Section Départementale et peut vous être envoyé contre un chèque de 19,50 euros franco de port.
[1] Dans ses conclusions sur l’arrêt Bouteyre (Conseil d’Etat 10 mai 1912), il est reconnu au ministre le pouvoir de refuser aux prêtres la possibilité de passer le concours d’agrégation en philosophie le commissaire du gouvernement Helbronner
[2] Discours de Thiers à la commission Falloux le 10 janvier 1849
[3] Jules Ferry Conférence populaire du 10 avril 1870
[4] Gambetta
[5] Où mène l’école sans Dieu : Alfred Baudrillard, Institut Catholique de Paris, 1925 (première édition 1909) :
Chap.1 : la marche ascendante de la criminalité juvénile ; Chap.2 : décadence de l’enseignement public ; Chap.3 : les instituteurs sans foi, sans famille et sans patrie ; Chap.4 : la faillite de la morale.
[6] KTO 14 février 2008 en présence du SGEC et 3 évêques « Transmission des savoirs dans l’école catholique »
[7] Luc Châtel : Réforme du lycée 1ère visite du nouveau ministre « très intéressé » par les « spécificités » de l’enseignement privé (Dépêche de presse AEF du 18 novembre 2010).
[8] Le Parisien, édition Val de Marne, 23 septembre 2011 : « Visite consensuelle de Luc Chatel au lycée privé »
[9] Magazine économique Challenges du 4 octobre 2007. Ancien vice-président du MEDEF.