Instauré en 2012, le Universal Credit fusionne six dispositifs existants (allocation chômage, crédit d’impôt pour retour à l’emploi, crédit d’impôt pour charge de famille, aide au logement, allocation invalidité et prestation de soutien au revenu pour les personnes dispensées de recherche d’emploi) en une seule prestation sociale. Deux objectifs ont présidé à sa création. Il vise d’abord à lutter contre le non-recours, par la dématérialisation et l’unification des démarches. En cela, il fait écho aux préoccupations soulevées en France dans le rapport de Christophe Sirugue (2016), qui dénonce la complexité de l’architecture des minima sociaux français. Il accroît en outre les incitations financières à la reprise d’emploi ou à l’augmentation des heures travaillées, par un barème de cumul entre prestation et salaire d’activité plus avantageux qu’auparavant, et au moyen d’un renforcement du contrôle des démarches de recherche d’emploi. La réforme britannique s’apparente de ce point de vue à une activation inédite d’un large champ des dépenses de protection sociale : l’allocation unique, conditionnée à la recherche d’emploi, a absorbé certaines prestations qui restaient généralement hors du champ de dépenses « activées » (allocations logement notamment, ainsi qu’une partie des aides aux familles).
L’ampleur et la radicalité de la réforme britannique rendent son étude particulièrement intéressante, quoique complexe, puisque sa montée en charge est très progressive (en novembre 2016, seules 420 000 personnes percevaient le Universal Credit sur 7 à 8 millions d’allocataires potentiels d’ici 2020). Le barème de cette nouvelle prestation unique est sous-tendu par des choix politiques forts, entraînant d’importants transferts entre ménages au profit des couples avec enfants et des ménages actifs. La mise en place d’une nouvelle prestation nécessite en outre une profonde refonte des systèmes actuels de gestion des demandes (mise en place d’un système d’information unique, réforme des services d’accompagnement des allocataires) dont le coût financier a été sous-évalué. Globalement, sa mise en œuvre apparaît plus complexe qu’anticipé.
Les premiers résultats d’évaluation ex-post indiquent un effet légèrement positif sur le retour à l’emploi, mais de façon temporaire, et qui semble d’abord dû au renforcement des contrôles de recherche d’emploi. Il apparaît par ailleurs que le passage à une prestation unique ne suffit pas à supprimer la complexité administrative, lorsque les situations familiales et professionnelles sont elles-mêmes complexes.
Les fortes différences entre les systèmes de protection sociale et des institutions du marché du travail en France et au Royaume-Uni invitent évidemment à une grande vigilance lorsqu’il s’agit d’éclairer les débats français relatifs à la réforme des minima sociaux à partir du cas britannique. Cette étude illustre néanmoins le fait que toute réforme de la protection sociale, même lorsqu’elle vise à plus de simplicité, emporte des coûts notamment sociaux et administratifs importants.
Document d’étude n° 206 – Fusion des minima sociaux : les défis du Universal Crédit britannique