Dossier : Un besoin de Fonction publique
Édito
Dossier publié en janvier 2017 et réalisé par: Aline Becker, Grégory Bekhtari, Monique Daune, Hervé Moreau, Marie-Rose Rodrigues-Martins
Le statut général de la Fonction publique a fêté son soixante-dixième anniversaire le 19 octobre dernier. L’occasion d’examiner de près ses évolutions et sa singularité afin de mieux définir son rôle essentiel pour l’avenir de notre société.
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Les principes d’«utilité commune » et de « nécessité publique », inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ont jeté, dès la Révolution française, les bases de l’identité de la Fonction publique. S’appuyant sur une administration fortement structurée par l’Ancien Régime, le service public a fonctionné jusqu’au milieu du XXe siècle de façon très hiérarchique. Et l’intérêt général, qui n’a pas de valeurs intrinsèques, a varié selon l’appréciation qu’en a faite le pouvoir politique ou selon les rapports de force sociaux. Pour répondre à la nécessité de couvrir les besoins fondamentaux de la population, le législateur a structuré dès 1946 la Fonction publique autour d’agents dont la compétence devait être vérifiée par concours pour assurer l’égalité, qui soient propriétaires de leur grade pour conserver leur indépendance et qui soient respectueux des principes républicains pour assumer leur responsabilité. Si l’égalité, l’indépendance et la responsabilité restent les trois principes fondateurs de la Fonction publique, sa mutabilité en fait aussi sa spécificité.
Répondre aux besoins de la société
Être en prise avec la société implique que le service rendu à l’usager soit adapté aux évolutions sur le plan quantitatif et qualitatif. Le périmètre de la Fonction publique peut alors être amené à évoluer avec la création de nouveaux métiers pour mieux répondre par exemple aux besoins des familles avec la mise en place d’un service public de la petite enfance, mais aussi pour mieux prendre en charge les populations les plus démunies en renforçant l’interdépendance sociale ou encore pour rendre effectif l’accès au Haut débit sur l’ensemble du territoire avec le développement du numérique. Mais alors que dans le contexte économique de crise, les services publics s’appuyant sur une Fonction publique fiable, ont su démontrer leur rôle indispensable d’amortisseur social, les adeptes du libéralisme tentent d’imposer une réduction constante du périmètre de la Fonction publique et d’affaiblir la notion d’intérêt général au profit de celle de « réduction des coûts ». Ces dernières décennies, les attaques frontales n’ont pas manqué. Dès 1987, les lois Galland ont modifié le statut des agents territoriaux, renforçant les pouvoirs des employeurs territoriaux sur la gestion de leurs agents et élargissant les possibilités de recours à des agents non titulaires. Plusieurs rapports ont également incité les politiques à aller dans ce sens, comme le rapport Pochard en 2003 ou Silicani en 2008. En 2007, les attaques se sont concrétisées par la politique du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, avec la mise en œuvre de la méritocratie, la performance individuelle des agents primant sur l’efficacité collective.
Décentralisation et crise environnementale
Ce processus s’est également renforcé avec les différentes phases de décentralisation depuis les années 1980 qui ont conduit à confier aux collectivités territoriales la gestion de l’accompagnement social dans des périodes de grandes mutations économiques. Aujourd’hui, la Fonction publique a aussi un rôle à jouer face à la crise environnementale car la planète est un bien commun. Les enjeux sont importants pour lutter contre le réchauffement climatique, la raré- faction des ressources ou la dégradation de la biodiversité. Les services de l’équipement, de l’agriculture mais aussi la recherche publique doivent jouer un rôle de pilotage pour permettre la transition énergétique avec la création de nouveaux emplois. Moderniser la Fonction publique ne peut donc pas se traduire par la diminution des effectifs et des moyens pour réduire les déficits, mais par une reconnaissance de nouveaux besoins et l’engagement des moyens pour y répondre.
On dénombre 70 % de fonctionnaires, 5,7 % de militaires, 17,3 % de contractuels et 6,6 % d’autres catégories.
• 43,7 % des emplois se trouvent dans la Fonction publique de l’État (FPE): personnels des administrations centrales de l’État, des services déconcentrés et de leurs établissements publics, enseignants, chercheurs, policiers…
La FPE a perdu 10 % de ses effectifs en 10 ans. Globalement, la baisse se poursuit sans concerner tous les ministères: diminution importante à la Défense, à l’Économie… alors que les effectifs augmentent à la Justice, l’Intérieur et l’Éducation Nationale. Les recrutements sont en progression de 11,43 % par rapport à l’année précédente en raison du poids de l’Éducation nationale.
• 34,9 % dans la Fonction publique territoriale (FPT): personnels administratifs et techniques des communes, des départements et des régions ou de leurs établissements publics. Les transferts d’agents de la FPE sur la FPT se sont traduits par une augmentation sensible des effectifs et 10 000 agents, souvent en statuts précaires, ont été recrutés dans la filière animation dans les communes en lien avec la réforme des rythmes scolaires.
• 21,4 % dans la Fonction publique hospitalière (FPH): personnels qui exercent dans des établissements hospitaliers excepté le personnel médical.
La Fonction publique emploie 62 % de femmes contre 44 % dans le secteur privé, avec une progression dans les postes d’encadrement supérieur et de direction.
Les réformes successives poussent les agents à reculer leur âge de départ à la retraite. Cela entraîne un vieillissement important des personnels. La proportion des agents de plus de 50 ans augmente. Elle est supérieure à celle du privé notamment du fait du recours à des dispositifs de préretraite et à une entrée dans le monde du travail plus pré- coce dans le privé.
Les grandes étapes du statut
- Loi du 19 octobre 1946 : premier statut général républicain des fonctionnaires de l’État.
- Loi du 28 avril 1952 : premier ensemble statutaire pour les agents communaux, codifié dans le livre IV du code des communes. Les dispositions caractérisent une Fonction publique d’emplois.
- Loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Elle est commune aux agents des trois versants de la Fonction publique.
- Lois du 11 janvier 1984, du 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 : dispositions statutaires relatives respectivement à la Fonction publique de l’État, à la Fonction publique territoriale et à la Fonction publique hospitalière.
Les lois de 1983 à 1986 ont installé les trois versants de la Fonction publique selon une architecture toujours existante.
- Loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires. Elle apporte des modifications au statut général de la Fonction publique (principe de laïcité, transparence de la vie publique…).
Corps, catégories, salaires...
Les 5,5 millions d’agents publics appartiennent à des corps (ou cadres d’emplois) très divers qui correspondent à des missions spécifiques qui dépendent de leur niveau de recrutement. La catégorie A regroupe les agents recrutés au niveau licence qui exercent des missions de conception, de direction et d’encadrement. La catégorie B correspond à des fonctions intermédiaires d’application et de rédaction, exercées par des agents recrutés au niveau du baccalauréat. Et la catégorie C regroupe les agents qui exercent des fonctions d’exécution sans exigence de titre, sauf pour les métiers ouvriers et techniques. Ainsi, 55,1 % des agents de la FPE sont en catégorie A, du fait du poids des enseignants qui sont à plus de 98 % dans cette catégorie. La FPT comprend, en revanche, 76,1 % d’agents en catégorie C.
Mais de nombreux fonctionnaires détiennent des qualifications supérieures à celles qui leur sont reconnues dans leur grille indiciaire de rémunération. Par exemple, 30 % des lauréats des concours 2014 dans la FPE étaient titulaires d’un bac + 4 en catégorie B et 15 % en catégorie C, signe d’un marché de l’emploi en tension.
Le salaire net médian dans la Fonction publique est de 1957 € allant de 1 688 € dans la FPT à 2 276 € dans la FPE, cet écart s’expliquant par le pourcentage de cadres qui y est plus important. Le salaire mensuel net des femmes est inférieur de 13 % à celui des hommes (18,6 dans le privé). Nombre d’agents publics ont des contraintes spécifiques : 16 % des agents sont soumis à des astreintes, 36 % travaillent le dimanche, 17,5 % travaillent de nuit (contre respectivement 8 %, 26 % et 14,9 % dans le privé).
Les agents publics sont par ailleurs plus nombreux que les salariés du privé à se déclarer exposés à des situations de détresse, à des comportements hostiles ou agressions. 30 % déclarent faire trop vite une opération qui demanderait davantage de soin, 10 % devoir faire des choses qu’ils désapprouvent et 35 % ne pas toujours ressentir la fierté du travail bien fait.
Système des « reçus-collés » dans la FPT
Qu’il soit externe, interne ou spécique, qu’il soit sur épreuves ou sur dossier, le concours est le mode de recrutement normal des fonctionnaires (sauf pour certains emplois les moins qualiés de la catégorie C). La règle statutaire veut que les candidats reçus soient classés par ordre de mérite puis nommés en fonction de leur classement dans les postes ouverts au recrutement.
Mais, dans la Fonction publique territoriale, c’est le système dit des « reçus-collés » qui s’applique. Ce système ne garantit pas au meilleur candidat d’être nommé dans un emploi puisque le jury établit une liste d’aptitude par ordre alphabétique – et non par ordre de mérite – et que les collectivités territoriales choisissent librement dans cette liste. Cette pratique qui était en vigueur avant 1984 et qui a été rétablie par la loi Galland en 1987 est ouvertement contraire au principe d’égalité.
La Fonction publique en France et dans les pays de l’OCDE
En matière d’emplois publics, les comparaisons internationales sont toujours très délicates. Les statuts, les modes de gestion et les principes budgétaires sont très différents d’un pays à l’autre. Pour lever ces obstacles méthodologiques, France-Stratégie (institut de prospective rattaché aux services du Premier ministre) a mené en 2010 une étude comparative de l’ensemble des emplois financés sur ressources publiques. Il en ressort qu’en France, le nombre d’emplois dans les administrations publiques rapporté au nombre d’administrés est assez proche des niveaux des pays anglo-saxons et très en deçà des pays nordiques. En 2008, on comptait en effet environ 90 emplois publics pour 1 000 habitants en France comme au Royaume-Uni, contre 100 au Canada, plus de 140 en Suède et 150 au Danemark. La France est ainsi dans une moyenne haute, devant l’Allemagne (environ 50) ou les États-Unis (70), mais elle n’est pas dans une situation extraordinaire comme le laisseraient entendre les détracteurs de la Fonction publique, alors même que nombre de besoins ne sont toujours pas couverts.
Rendre effective l’égalité des usagers sur tout le territoire suppose en effet de soumettre les fonctionnaires à des règles distinctes de celles applicables aux salariés du privé, de les protéger contre l’arbitraire, de leur permettre d’exercer leurs missions dans le seul intérêt du service, à l’abri de toute pression économique ou politique, de clientélisme ou de corruption.
Le statut général permet d’appliquer les mêmes principes à tous les fonctionnaires, quelle que soit leur administration. Les règles régissant le recrutement, la carrière, les missions, l’emploi, les conditions de travail et le régime disciplinaire sont ensuite précisées par décret réglementaire pour tenir compte des spécificités de chaque versant, administration ou corps.
Constitue un corps l’ensemble des fonctionnaires appelés à occuper les mêmes emplois et à exercer les mêmes fonctions dans le cadre d’un même statut particulier1 . Mais dans la Fonction publique territoriale, la notion de « corps » a été remplacée en 1987 (loi Galland) par celle de « cadre d’emploi ».
Contrairement à d’autres pays, la France a fait le choix d’une Fonction publique de carrière (article 12 du statut général). Le fonctionnaire entre dans un corps ou cadre d’emploi (divisé en grades) dans lequel il progresse et fait carrière. Il est affecté à l’un des emplois qui correspondent à son grade. Si cet emploi est supprimé, il reste titulaire de son grade et change d’emploi sans subir de conséquence sur le déroulement de sa carrière. Cette garantie d’emploi le met ainsi à l’abri des aléas politiques.
Un code pour la Fonction publique
La loi impose aux fonctionnaires des obligations communes. Au service de l’intérêt général, ils doivent exercer leurs fonctions avec « dignité, impartialité, intégrité et probité ». Ils doivent accomplir les tâches qui leur sont confiées, se consacrer intégralement à leur fonction (cumuls interdits sauf dérogation), ont l’obligation de discrétion (voire de secret professionnel), de neutralité, de laïcité… Tout non respect peut entraîner une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement (de même qu’un licenciement peut être prononcé dans les cas d’insuffisance professionnelle). Contrairement à l’imaginaire collectif, il n’y a donc pas d’emploi « à vie » pour le fonctionnaire.
Le statut général reconnaît aussi des droits dont l’ampleur ou l’exercice sont toutefois limités dans certains cas : égalité d’accès à l’emploi pour tous ceux qui remplissent les conditions requises, garantie de l’emploi, droit à une carrière, à la mobilité géographique et professionnelle, à la protection dans l’exercice de ses fonctions, à un régime spécial de sécurité sociale et de retraite. Sans oublier la liberté d’opinion, le droit syndical, celui de faire grève (sauf cas particuliers) ou encore le droit à la communication de son dossier…
Ce statut protecteur ne bénéficie pas aux contractuels qui concourent pourtant aux mêmes missions du service public.
1. Chez les enseignants par exemple, on relève d’un statut différent selon que l’on est professeur des écoles, certifié, agrégé…
Avec la crise de 2008, les services publics et la Fonction publique ont été fréquemment cités pour le rôle d’amortisseur qu’ils ont joué en France. En période de crise, les dépenses et les emplois publics ne reculent pas comme peuvent le faire celles et ceux du secteur privé, et certaines dépenses sociales augmentent et préservent en partie le pouvoir d’achat des ménages touchés par le chômage.
Lorsque le dogme de l’austérité budgétaire ne l’emporte pas, la dépense publique (investissements, emplois…) peut être un élément essentiel de relance de l’activité en même temps qu’une occasion pour développer et améliorer l’accès aux biens communs.
Mais les services et la Fonction publique ne sont pas seulement des amortisseurs. Ils constituent des éléments essentiels du développement économique et social, et en retour, les économies les plus développées sont aussi celles qui ont le plus besoin de services publics, comme le montre leur évolution sur le long terme.
L’éducation, la recherche, l’emploi, l’insertion, l’environnement, la culture, la santé, la justice, les services administratifs et fiscaux, la sécurité civile… constituent des biens communs indispensables à l’activité économique, au bien-être et à la cohésion sociale, ils ne peuvent être soumis aux règles commerciales.
On entend souvent dire que les dépenses publiques sont à un niveau trop élevé. Pourtant, les besoins sociaux sont encore loin d’être tous couverts. Au-delà des moyens nécessaires à l’amélioration et au développement des services publics existants, il faut satisfaire des besoins nouveaux et prioritaires en créant notamment un service public de la petite enfance et un service public d’aide à la personne en lien avec la perte d’autonomie. Les pistes de développement sont nombreuses. Le défi écologique, l’utilisation des ressources énergétiques, la découverte et la production de médicaments peuvent en effet être des pistes de réflexion pour des activités devant échapper aux « lois » du marché et du profit.
En France, sans être confondus, la Fonction publique et les services publics sont intimement liés. La conception française des services publics implique initialement en effet que ces derniers soient réalisés par des entités publiques. Les entreprises publiques de réseau et les régies ont ainsi participé au développement des services publics aux côtés des administrations et de la Fonction publique. Cet ensemble a été profondément remis en cause par la logique concurrentielle imposée par l’Union Européenne.
Les services publics de réseau dénaturés
L’entrée en vigueur du marché unique en 1993 a entraîné l’ouverture à la concurrence de nombreux services publics : production et transport d’électricité et de gaz, transport ferroviaire, distribution du courrier et des colis. Ceux-ci avaient deux caractéristiques : il était soit techniquement impossible d’avoir plusieurs opérateurs, soit économiquement logique de n’en avoir qu’un seul. Avant que les nouvelles technologies de l’information ne le permettent, il n’était pas envisageable d’avoir le choix entre deux ou trois fournisseurs d’électricité par exemple. Les entreprises publiques étaient donc en situation de monopole. Ces activités ont été développées dans le cadre du service public afin que les usagers soient à égalité et que la production s’adapte à l’évolution des besoins sur tout le territoire.
L’Acte unique (signé en 1986) a permis à la Commission Européenne d’exiger leur soumission au principe de concurrence « libre et non faussée ». Si l’Union Européenne reconnaît aux États le droit de délimiter des Services d’Intérêt Généraux, elle en contrôle précisément le contour et peut en contester la légitimité ou l’étendue comme cela a été le cas pour le logement social aux Pays-Bas.
Une Fonction publique sous pression budgétaire
Parallèlement à ce rétrécissement du service public, la contrainte budgétaire associée au Traité de Maastricht et la mise en concurrence des territoires économiques et des titres de dette publique pousse les États au moins disant fiscal, notamment pour l’impôt sur les sociétés. Le manque à gagner qui en découle et la pression sur l’endettement public sont instrumentalisés pour réduire les effectifs et faire pression sur les rémunérations des agents publics. Les institutions européennes et le FMI s’associent pour régulièrement pousser au recul de la Fonction publique et à la délé- gation de missions de service public au privé.
L’interview
Anicet Le Pors : « Une pièce maîtresse du pacte républicain »
Les références du « modèle social français » me semblent être constituées à la fois par le programme du Conseil National de la Résistance (dont la majeure partie des propositions sont détaillées sur le plan social), et par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (qui renvoie à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789), alors que la dernière loi adoptée par l’Assemblée nationale constituante d’alors a été le statut général des fonctionnaires de la loi du 19 octobre 1946. Cette proximité explique la communauté d’inspiration de l’époque. De fait les principes d’égalité, d’indépendance et de responsabilité du statut sont aussi ceux de ces textes fondateurs. Mais le statut général des fonctionnaires s’inscrit également dans une histoire propre qui a vu les fonctionnaires, leurs associations et leurs syndicats passer de la revendication d’un « contrat collectif » à celle d’un statut législatif.
La juxtaposition des catégories « usagers » et « fonctionnaires » est source de confusion. Beaucoup d’usagers sont fonctionnaires et tous les fonctionnaires et leurs familles sont des usagers. En fait cette distinction recouvre le plus souvent une volonté de mise en accusation des fonctionnaires devant les insuffisances, les défauts des services publics dont sont responsables les initiateurs de politiques publiques défectueuses qui trouvent ainsi le moyen de détourner la population de leurs turpitudes. Cela dit, la notion d’usager a un sens lorsqu’il s’agit de représentants de parents d’élèves ou d’utilisateurs de moyens de transports clairement identifiés, une ligne de bus, par exemple. Elle est plus discutable au niveau national car elle entre alors en conflit avec les légitimités des élus et des fonctionnaires définies par la loi. Elle a un intérêt dans la vie associative et peut nourrir la réflexion sur ce que certains appellent la « démocratie participative ».
Le droit syndical et le droit de grève ont été reconnus tardivement aux fonctionnaires, bien après le secteur privé. Ils n’en sont pas moins importants. Le droit de grève a été intégré au statut général en 1983 (art. 10 du titre I er) de même que le droit syndical (art. 8) et la participation à la gestion (art. 9). La spécificité résulte du fait que le fonctionnaire est dans une situation statutaire et réglementaire, définie par un acte unilatéral de la puissance publique, la loi, et non par un contrat. Il s’ensuit que la concertation dans la fonction publique peut déboucher sur des accords ou des relevés de conclusions mais que ceux-ci n’ont pas, par eux-mêmes, de valeur normative, même s’ils engagent la parole des partenaires et notamment celle de l’État et autres collectivités publiques. Pour autant, la concertation n’en est pas moins importante.
L’idéologie dominante voudrait nous faire admettre que le libéralisme est la fin de l’histoire, que l’entreprise privée est le paradigme de toute organisation sociale et le management l’expression d’excellence de la citoyenneté. La crise de civilisation dans laquelle nous nous trouvons a le sens d’une « métamorphose » déjà engagée par le développement des interdépendances, des coopérations, des solidarités. Des valeurs et des principes universels tendent à s’affirmer, des moyens matériels et immatériels se mettent en place aux niveaux mondial et continental, l’affirmation du genre humain comme sujet de droit sera la grande affaire du XXIe siècle. Toutes ces notions qui prennent corps, souvent dans les souffrances et les violences, se condensent en France dans le concept de service public dont la Fonction publique est l’essentiel et une pièce maîtresse du pacte républicain.