Communiqué FSU => Pour une Refondation du Syndicalisme Policier Républicain
Par Jean Louis Arajol, Ancien Secrétaire Général du SGP et de la FASP (1994/1999) consultant et auteur de trois ouvrages (Mais que fait la Police aux éditions Minerve 1995 / Police une affaire d’Etat aux éditions J.M Laffont 2002/ Police en Péril, la Grande Maison brûle aux éditions du Cherche Midi 2020)
Et Flavien Bénazet, policier, Secrétaire National du Snuitam, Secrétaire et co-créateur de l’association AIMAVI avec le Professeur Franck Baylé, Psychiatre à l’Hôpital Saint Anne à Paris 14 (Association de recherche et de suivi sur les violences, l’impulsivité et l’agressivité), membre de l’association Halte à la N (association de lutte contre la radicalisation)
- Flavien Bénazet
Au tout début de ma carrière, j’étais adhérent à la puissante F.A.S.P. (Fédération Autonome des Syndicats de Police) Cette Fédération est à l’origine le 18 mars 1986 du décret portant code de déontologie de la police nationale. C’était l’époque ou le syndicalisme policier républicain au sein de la profession, incarné par l’historique « S.G.P » (Syndicat Général de la Police), moteur de ladite Fédération, défendait avec force et vigueur l’image de la profession.
Depuis le 1er Janvier 2014, ce Code est désormais aussi celui de la Gendarmerie Nationale. Il édicte des principes clairs :
La police nationale et la Gendarmerie s’acquittent de leurs missions dans le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales et des lois.
Le policier et le gendarme accomplissent leurs missions en toute impartialité.
Ils accordent la même attention et le même respect à toute personne. Ils n’établissent dans leurs actes aucune distinction de nature à constituer une discrimination.
Ces valeurs, pour lesquelles je me suis engagé dans le Syndicalisme Policier, sont toujours celles pour lesquelles je milite aujourd’hui au sein de la F.S.U.
Il suffit de prendre aujourd’hui connaissance de l’actualité pour se rendre compte que ce syndicalisme de combat, cette garantie citoyenne sont plus que jamais nécessaires.
En 2015, la Police Nationale était acclamée par les citoyens. Aujourd’hui, le capital confiance dont elle bénéficiait, du fait des derniers mouvements sociaux et des drames qu’ils ont occasionnés, est largement entamé.
Il faut donc constituer au sein des forces publiques de sécurité un nouveau contrepouvoir essentiel à l’équilibre de notre démocratie. Car sans Police Républicaine, il n’y a pas de démocratie !
Il faut rétablir impérativement le lien entre la Police et la population, entre la Police et la jeunesse. La Police n’a pas à se dissocier du peuple dont elle est issue.
Il faut défendre le Service Public, ne pas accepter la paupérisation du métier fil conducteur de la politique libérale qui prévaut depuis des années et qui impacte tous les Services Publics, sans exceptions !
Au sein de la FSU Intérieur (inclus dans le SNUITAM [1] qui regroupe ainsi les branches de 3 Ministères) nous militons pour une Police du peuple, par le peuple et pour le peuple. Nous considérons, enfin, qu’une force publique est instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de celles et de ceux à qui elle est confiée. [2]
Les images choquantes récentes de policiers sortant du cadre déontologique (violences, racisme…) et des valeurs qui sont les nôtres sont aussi le symptôme d’un dysfonctionnement profond au sein de notre institution.
Il convient d’en finir avec cette culture du résultat qui induit irrémédiablement une dérive ultra répressive avec l’assentiment d’une Haute Hiérarchie elle-même tenue de rendre des comptes au Politique.
Il convient d’en finir avec ces restrictions budgétaires qui impliquent le manque d’effectifs et de moyens, la fermeture ou la mutualisation de commissariats.
Il convient, enfin, d’en finir avec ce management totalement archaïque, ce déni de justice que constitue le judiciaire au sein de la profession ou lorsque les procédures non traitées par manque d’effectifs s’accumulent au détriment des victimes.
Rendre le Service Public de Sécurité attractif notamment par une revalorisation sociale des « Gardiens de la Paix », privilégier l’intérêt général à l’intérêt particulier, voilà quels doivent être nos objectifs.
Je suis heureux de partager aujourd’hui cette tribune avec Jean Louis avec qui nous partageons un grand nombre de valeurs communes. Il y a urgence surtout quand nous voyons l’actualité.
Je sais que nous partageons y compris avec ses prédécesseurs, notamment Richard Gerbaudi, la même idée de ce que doit être la Police Nationale.
Avec d’autres, tous ensemble, nous pouvons, nous devons contribuer à la reconstruction d’une force républicaine au sein de la profession. Une garantie citoyenne qui prône la transparence, le respect des Droits et des devoirs.
Être fier d’être policier, ce n’est pas être un mercenaire et se vendre pour une aumône à un Etat exclusivement répressif. Être fier d’être flic ce n’est pas faire partie d’une garde prétorienne au service de décisions illégitimes.
- Jean Louis Arajol
Il est vrai que depuis plus de vingt ans, nous sommes bien obligés de constater une dérépublicanisation générale au sein de la société. Et cette problématique n’échappe pas au syndicalisme Policier.
Les gouvernements successifs ont opté de calquer leur politique sécuritaire sur le pitoyable modèle Américain. Ce modèle ultra libéral et ultra violent, inégalitaire, qui segmente, exclut, marginalise et communautarise la société, oui je suis d’accord, nous devons le combattre.
Je suis aussi assez critique dans mon dernier livre [3] sur le syndicalisme policier. L’absence de formation politique des militants est criante au sein des appareils. La « syndicratie » et le clientélisme, ce que j’appelle « l’épicerie fine » supplantent un syndicalisme de terrain, authentique, qui privilégie l’intérêt général.
Lorsque j’entends les porte-paroles du syndicalisme policier aujourd’hui, sur les médias, se faire pour la plupart les porte-voix de leurs bourreaux, se contenter de jouer aux petits reporters, tomber dans le piège grossier du corporatisme exclusif, tirer contre leur propre camp et soutenir ce stupide amendement 24 et la Loi de Sécurité Globale, je suis très inquiet pour l’avenir et du syndicalisme républicain et de la profession.
Mais des militants existent ! Et ils sont nombreux. Il suffit de leur mettre le pied à l’étrier.
Les Policiers nationaux dans ce pays sont largement majoritaires et les brebis galeuses ne constituent pour l’instant qu’une infime minorité de l’institution.
Mais il faut sous couvert d’une Charte d’engagement qui soit en quelque sorte le fil d’Ariane du syndicalisme de demain, construire une alternative sociale et républicaine crédible, fidèle aux valeurs du Syndicat Général de la Police que Flavien a évoqué dans ses propos.
La Police résistante qui s’inscrit dans ces voix qui montent des fers existe. Il faut la rassembler sur ces valeurs qui font la grandeur de notre métier.
Je le disais dans une interview dans un hebdomadaire en décembre 2018. Oui, une refondation du syndicalisme Policier républicain est plus que jamais nécessaire. C’est même aujourd’hui un impératif démocratique. Il y a urgence !
Merci
Le 03 décembre 2020