Montreuil, le 21 décembre 2017

Madame la Ministre,

Depuis de nombreux mois, les associations privées et les établissements publics éprouvent de nombreuses difficultés pour remplir au mieux leurs missions de Service Public de la Protection de l’Enfance. Les raisons de ces difficultés sont multiples et nous amènent à vous alerter sur le devenir de ces missions dans l’ensemble des départements.

En premier lieu, vous connaissez la situation dramatique du département du Maine-et-Loire. Par ce courrier, nous relayons les demandes des professionnel.le.s concerné.e.s restées à ce jour sans réponse de votre part. Leurs alertes concernent la dérive mercantile que les responsables politiques mettent en oeuvre car elle est incompatible avec les notions de Service Public et de Protection de l’Enfance. Le Maine-et-Loire n’est pas le seul département à connaître cette dérive ; d’autres conseils départementaux tel que celui d’Indre-et-Loire prennent le même chemin.

Nous affirmons que les enfants ne sont pas des « lots » à intégrer dans un cahier des charges en termes de ratio d’encadrement, soit de nuit, soit de jour, avec ou sans qualification des personnels, en termes de nombre dans des lieux d’accueil divers et variés.

La dérive mercantile des appels à projets ne prévoit plus qu’un enfant en danger a des besoins qui doivent faire l’objet d’une analyse fine des travailleurs sociaux et de la justice, afin que les accueils soient en phase avec les besoins particuliers de ce jeune en souffrance, éloigné de son lieu habituel de vie. La proposition au « moins-disant » social ne peut être une réponse à la souffrance d’une jeunesse souvent victime de la crise économique et sociale. Dans le Maine-et-Loire, cette dérive marchande pousse 3 associations à mettre la clé sous la porte et 350 emplois sont ainsi menacés de disparaître…

Nous nous permettons de vous poser clairement les questions suivantes : cautionnez-vous ce type de démarche ? Souhaitez-vous que la Protection de l’Enfance devienne une marchandise soumise à des lots dans des appels à projets ?

En second lieu, dans plusieurs départements, l’accueil des mineur.e.s étranger.e.s devient une difficulté majeure pour les associations et les établissements publics. Or, nous vous rappelons à l’universalisme de la protection de l’enfance tel qu’il a été voulu par les législateurs depuis 1945 : la loi ne fait aucune distinction entre un.e mineur.e français.e et un.e mineur.e étranger.e. Et pourtant, force est de constater que certains accueils sont déplorables en termes d’insalubrité, de nombre d’adolescent.e.s placé.e.s sur un même site, de taux d’encadrement très insuffisants, de « mises à la rue » administratives de certain.e.s jeunes… Dans la majorité des accueils, les salarié.e.s ou les agents se plaignent de ne pouvoir exercer un travail social digne de ce nom, conférant le plus souvent à de l’humanitaire !

Par ailleurs, la situation et la prise en charge des jeunes majeur.e.s nous inquiètent fortement. Car malgré le transfert à partir de 2007 (dans le cadre de la Loi sur la Protection de l’Enfance) de la totalité des compétences sur la Protection de l’Enfance aux conseils départementaux, ceux-ci n’ont eu aucune compensation financière et se retrouvent aujourd’hui dans l’impossibilité d’assumer l’accompagnement de ces jeunes. Or, la plupart d’entre eux sont en situation de précarité importante et leur nombre ne cesse d’augmenter.

L’intersyndicale demande un accueil digne et égal pour tous les enfants et adolescent.e.s, quelle que soit leur situation. Elle demande d’en prendre la mesure et de mettre tous les moyens nécessaires et suffisants à l’exercice des missions de protection, sans distinction d’origine.

En troisième lieu, les cures d’austérité successives que subit ce secteur depuis de nombreuses années mettent les personnels dans des situations de souffrance au travail à partir desquelles on observe un nombre croissant de fatigues et d’usures professionnelles, de burn-out. A l’instar des collègues des hôpitaux publics, des situations professionnelles dramatiques pouvant amener à des tentatives de suicide ne sont plus à exclure dans notre secteur.

Les différentes mesures du gouvernement montrent clairement que les économies vont s’effectuer sur le dos des citoyens les plus vulnérables, voire que ces publics peuvent devenir source de profits pour des intérêts privés :

1. baisse drastique généralisée des financements dans les secteurs social et médico-social ;

2. de façon concomitante, l’ingérence du privé lucratif dans notre secteur avec l’expérimentation de contrats à impact social dans une association de Protection de l’Enfance du Nord et la nomination au Haut-Commissariat de l’Economie Sociale et Solidaire du directeur de l’établissement posent question.

Est-ce à dire que la recherche de profit va être la nouvelle façon de financer le secteur ?

L’intersyndicale vous adresse un droit d’alerte national sur les dangers graves et imminents des personnels travaillant en Protection de l’Enfance.

D’une part, il s’agit de prendre en compte ce constat, tel est l’objet de notre droit d’alerte.

D’autre part, il convient de mettre en oeuvre une grande politique de reconnaissance de la pénibilité du travail social et d’affirmer la spécificité des métiers.

Pour toutes ces raisons, urgentes, impactant directement la prise en charge des enfants et adolescent.e.s résident.e.s en France, nous vous demandons audience et des orientations claires pour une véritable Protection de l’Enfance.

Pour toutes ces raisons, urgentes, impactant directement la prise en charge des enfants et adolescent.e.s résident.e.s en France, nous vous demandons audience et des orientations claires pour une véritable Protection de l’Enfance.