FSU
Secteur Services Publics
Décembre 2010
Loi de réforme des collectivités territoriales
Le Parlement a définitivement adopté, le 17 novembre 2010 le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Les députés ont ratifié par 258 voix contre 219 voix le texte de compromis de la Commission mixte paritaire (CMP), après le vote acquis d’extrême justesse du Sénat, le 9 novembre dernier.
Le Conseil Constitutionnel a validé pour l’essentiel la réforme mais a censuré le tableau de répartition des conseillers territoriaux, ce qui va obliger l’exécutif à repasser devant le Parlement…
(en p-j tableau comparatif entre la réforme et la situation actuelle)
D’où vient la loi ?
L’idée de réformer le « mille-feuilles de l’organisation territoriale » française n’est pas nouvelle.
La question a été relancée depuis 2007 dans le cadre de la RGPP, avec une dénonciation de « l’enchevêtrement des compétences », de l’empilement des échelons administratifs, de l’augmentation jugée insupportable des dépenses des collectivités territoriales fustigée par la droite.
De nombreux rapports se sont succédés (rapport Lambert sur les relations en novembre 2007, rapport Attali en janvier 2008 ; rapport Warsmann octobre 2008, : rapport Balladur en mars 2009 . rapport Belot en juin 2009).
Cette loi intervient dans le contexte de la suppression de la taxe professionnelle, de la poursuite de la RGPP et de la mise en place de la RéATE (réorganisation administrative et territoriale de l’État).. Le gouvernement a dû renoncer à la suppression d’un échelon territorial (département ou région) mais les modifications à venir seront importantes. On peut s’attendre à terme à des changements importants dans l’organisation des départements et des régions et dans les missions qu’ils exercent.
Un marathon parlementaire :
Le projet de loi de réforme des collectivités avait été présenté en conseil des ministres le 21 octobre 2009.
Il se présentait au départ sous forme de quatre textes distincts sur les élections et la création des conseillers territoriaux ; la création des métropoles, la réforme de l’intercommunalité et les principes de répartition des compétences, un cinquième texte devant clarifier la répartition des compétences entre collectivités.
L’examen parlementaire, entamé au Sénat en décembre 2009 ne s’est achevé que le 17 novembre 2010 alors que l’adoption définitive était initialement prévue en juillet. L’opération a été pour le gouvernement plus longue et difficile que prévu, en raison notamment des divergences entre Sénat et Assemblée (et au sein même de la majorité), entraînant lors des deux lectures l’adoption de textes différents sur plusieurs points.
Le texte présenté au vote final a rassemblé ce qui faisait accord entre Assemblée et Sénat dans leurs deux lectures. Sur les points divergents, c’est la rédaction de l’Assemblée qui a été pour l’essentiel, retenue. Sous une pression forte et continue du gouvernement, le Sénat et l’Assemblée Nationale ont fini par adopter le texte, respectivement le 9 et le 17 novembre. La loi n’est pas promulguée : elle est actuellement au conseil constitutionnel qui a été saisi par 60 députés et 60 sénateurs.
Les principales dispositions de la loi :
Les principaux points d’opposition entre les deux assemblées portaient essentiellement sur deux questions : le mode de scrutin du futur conseiller territorial et la question des compétences, questions lourdes du point de vue de la décentralisation.
1- La loi crée une nouvelle catégorie d’élus : les conseillers territoriaux qui siégeront à la fois au conseil général et au conseil régional. Ils seront élus, en 2014, pour six ans, dans le cadre du canton, selon le scrutin uninominal majoritaire à deux tours (celui qui prévaut aujourd’hui pour l’élection des conseillers généraux). A l’Assemblée Nationale, toute référence à la proportionnelle . le Sénat qui en deuxième lecture en juillet avait rejeté tout mode d’élection des conseillers territoriaux est finalement rentré dans le rang et la loi reprend la position de l’Assemblée Nationale. Les triangulaires ne seront pas supprimées, comme le réclamait l’UMP, mais le seuil requis pour se maintenir au second tour de l’élection sera de 12,5 % du nombre des électeurs inscrits.
La loi réduit le nombre des élus par rapport à la situation actuelle Un tableau annexé au projet de loi prévoit le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et région Au total, 3.471 conseillers territoriaux remplaceront les 5.660 conseillers généraux et régionaux. Globalement, le nombre des élus sera réduit de 39%, ce qui n’empêche pas ici ou là une hausse importante du nombre des élus (trois conseils régionaux voient leur effectif multiplié par plus de 2,5). Le redécoupage des cantons interviendra par décret en Conseil d’Etat. Il s’effectuera à partir de la carte cantonale existante et respectera les limites des circonscriptions législatives. Certaines de ces dispositions ont été censurées par le Conseil Constitutionnel début décembre. De nouveaux arbitrages devraient donc avoir lieu dans les prochains mois (après les cantonales ?)
Parité hommes / femmes : les modalités d’élection des conseillers territoriaux ont été très critiquées et risquaient la censure du Conseil constitutionnel. Face à cela, le gouvernement a prévu la désignation d’un suppléant du sexe opposé (!) à celui du titulaire élu. Ce schéma s’appliquera d’ailleurs aussi aux délégués communautaires. Dans le cas précis des conseillers territoriaux, le suppléant sera appelé à remplacer le titulaire "si son siège devient vacant pour quelque cause que ce soit".
Pour la démocratie, c’est un recul important au niveau parité mais aussi pluralisme : en premier lieu dans la désignation des conseillers territoriaux où le scrutin majoritaire uninominal – qu’il soit à un ou deux tours – va désormais supprimer la proportionnelle appliquée lors des élections régionales.
2- La question des compétences devait au départ être traitée en deux temps, avec renvoi de la répartition des compétences entre les collectivités territoriales à un texte ultérieur.
L’Assemblée avait voulu rendre la loi directement opérationnelle, en prévoyant que les compétences seraient attribuées à titre exclusif et en limitant les compétences partagées entre les collectivités à trois domaines : le "tourisme", la "culture" et le "sport". C’était donc une remise en cause de la clause générale de compétence pour les régions et départements. Le Sénat revenant en juillet à l’approche initiale avait voté le renvoi à un texte ultérieur de la répartition des compétences.
Le texte de la loi reprend ce qu’avait voté l’Assemblée en termes de compétences exclusives ; le compromis consiste seulement à reporter de trois ans, au 1er janvier 2015, la suppression de la clause générale de compétence des Départements et des Régions, renvoyant à une autre loi la répartition des compétences ainsi que les règles d’encadrement des cofinancements.
La loi prévoit que les compétences attribuées par la loi aux CT le sont à titre exclusif ; c’est à titre exceptionnel qu’une compétence est partagée. Les compétences partagées entre les collectivités font l’objet d’une reformulation. Elles concernent désormais le "tourisme", la "culture" et le "sport".
La règle est cependant assortie d’exceptions. Ainsi, régions et départements conservent une capacité d’initiative, limitée aux domaines non couverts par la loi : en premier lieu, la notion de délégation de compétences (d’une région vers une autre collectivité par exemple), : une CT pourra déléguer à une autre CT ou à un EPCI une compétence, propre ou partagée, par convention. La notion de chef de file n’est plus mentionnée.
Les financements croisés (le projet initial visait même à les supprimer) : la loi prévoit la règle selon laquelle le maître d’ouvrage « doit assurer une part significative du financement de ses investissements ». Les cofinancements devant « être limités aux projets dont l’envergure ou le montant le justifie » ou « répondre à des motifs de solidarité ou d’aménagement du territoire ».
Un schéma de rationalisation des missions sur le territoire de la région est prévu, afin d’organiser les interventions financières respectives de la région et du département ; ce schéma peut concerner toute compétence exclusive de la région et des départements et doit nécessairement s’appliquer aux compétences suivantes listées par la loi : développement économique, formation professionnelle, collèges et lycées, infrastructures, voiries, réseaux, aménagement des territoires ruraux, actions environnementales.
La clarification des compétences -avec l’attribution de compétences exclusives et la limitation à trois domaines précis des compétences partagées – pourrait permettre de sortir de l’ambiguïté issue des lois de 1982-1983 entre attribution de la clause générale et attribution de blocs de compétence ; à condition que cette clarification résulte d’un débat et d’une réelle volonté d’amélioration ; et que les CT aient les moyens d’exercer ces compétences, en répondant aux besoins sociaux et non comme c’est le cas actuellement dans une logique de pression sur les missions et les dépenses. (L’objectif d’une maîtrise des coûts ayant été renforcé avec le schéma de rationalisation des missions qui préfigure une organisation des missions des collectivités territoriales au niveau régional.
Avec la RéATe, le préfet de région a maintenant pouvoir dans la répartition des crédits entre départements). Le texte retient la possibilité d’une délégation de compétence, que celle ci soit exclusive ou partagée, d’une collectivité à une autre. Une convention devra en fixer la dure, les objectifs et les modalités. Les enjeux sont importants pour les services assurés par les collectivités et les investissements qu’elles réalisent, tant l’objectif d’économie est clair de la part du gouvernement : dans l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, le gouvernement met en avant l’impact financier de l’obligation de compétences exclusives, qu’ il chiffre à 16,5 Mds € .Ce double objectif de réduction des dépenses et de rationalisation des services s’inscrit complètement dans l’application de la RGPP aux collectivités territoriales.
3- Les autres dispositions de la loi, qui n’ont pas fait l’objet de débats aussi acharnés, vont conduire à des modifications sensibles du paysage des collectivités territoriales dans les prochaines années.
Modifications de limites territoriales et regroupement de départements et de régions.
Le gouvernement ayant renoncé à supprimer un échelon territorial, le projet de loi propose aux régions et aux départements, sur la base du volontariat, une procédure de regroupement, qui n’existait pas pour les départements. et assouplit la procédure existante pour les régions. La loi affirme la nécessité de « revoir de périmètres géographiques qui, s’agissant des départements ne seraient plus totalement adaptés « aux enjeux du temps présent », mais la procédure repose sur le volontariat des collectivités intéressées. Un département et deux régions contiguës peuvent demander une modification des limites régionales pour inclure le département dans le territoire de la région limitrophe. Il doit y avoir consultation des électeurs des deux régions et du département concerné.
Sur l’intercommunalité et les métropoles, le texte est semblable à celui qui avait été adopté en première lecture ; avec quelques différences, qui correspondent à des questions assez sensibles au sein même de la majorité. Alors qu’elle voulait au départ « simplifier », la loi crée plusieurs structures nouvelles. :
Les métropoles. la loi consacre, comme prévu, le principe de la création des métropoles.,. La métropole est un nouvel EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale), regroupant, plusieurs communes qui forment un ensemble de plus de 500 000 habitants d’un seul tenant et sans enclave (avec une dérogation pour la création d’une "métropole comportant une enclave composée de plusieurs communes" dans l’année qui suit la publication de la loi). Par rapport aux communautés urbaines, le champ d’intervention de la métropole est élargi. L’Assemblée nationale ayant renforcé, à l’initiative du gouvernement ses compétences en matière économiques. La métropole reçoit de plein droit :
de la part des communes membres, des compétences en matière d’aménagement économique social et culturel, de politique locale de l’habitat, de politique de la ville, de gestion des services d’intérêt collectif, d’environnement et cadre de vie,
de la part des départements, des compétences en matière de transport scolaire et de routes,
de la part de la région, les compétences relatives à la promotion à l’étranger du territoire et de l’action économique.
La métropole peut également, par convention passée avec le département exercer les compétences en matière d’action sociale et de collèges et par convention passée avec la région, les compétences de celle-ci en matière de lycées. La région et le département peuvent transférer à la métropole par convention, tout ou partie de leurs compétences en matière de développement économique. Si la métropole le demande, l’État pourra décider de lui transférer des grands équipements ou infrastructures situés sur son territoire. La loi prévoit le transfert à la métropole des agents affectés aux services transférés et la mise à disposition auprès de la métropole des agents dont les services ont fait l’objet d’une convention avec la métropole.
La loi fixe le régime financier de la métropole et organise la compensation financière des transferts de compétence ; la taxe foncière sur les propriétés bâties des communes membres est transférée à la métropole, compromis entre le texte initial du gouvernement qui prévoyait le transfert de la totalité de la fiscalité directe et le Sénat qui souhaitait en rester au régime des communautés urbaines. La dotation globale de fonctionnement de la métropole se composera des dotations revenant précédemment aux EPCI qui préexistaient (dotation d’intercommunalité et dotation de compensation des EPCI) et aux communes membres de la métropole ».
Au-delà du statut de la métropole, qui ne concernera qu’un nombre limité de grandes agglomérations, la loi dit vouloir favoriser une coopération renforcée entre territoires urbains, sur la base du volontariat. C’est l’objet de la création des pôles métropolitains. Conçu comme un instrument souple, le pôle métropolitain est un établissement public constitué par accord entre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le pôle métropolitain doit former un ensemble de plus de 300 000 habitants qui, à la différence de la métropole n’est pas nécessairement d’un seul tenant, et dont l’un des EPCI qui le constituent compte plus de 150 000 habitants.
Les communes et l’intercommunalité ; la loi vise à favoriser la création de communes nouvelles et « à terminer la carte » de l’intercommunalité.
La loi prévoit la création de « communes nouvelles » par fusion de communes existantes ou en lieu et place de communes contigües. Le nouveau dispositif de fusion de communes, pourra concerner, sur une base volontaire, aussi bien des communes contiguës, à l’extérieur ou à l’intérieur d’un EPCI, que la transformation d’un EPCI en commune nouvelle. La commune nouvelle viendra en lieu et place de communes contiguës, soit à la demande des communes membres, soit à la demande de l’EPCI, avec accord dans les trois mois des conseils municipaux des communes concernées. C’est une des dispositions les plus discutées : l’AMF souhaitait qu’aucune commune ne puisse être intégrée dans une commune nouvelle sans son accord et dans sa deuxième lecture, le Sénat avait renforcé le contrôle de la procédure par l’obligation de consulter les électeurs « par référendum » ; l’Assemblée en a assoupli les modalités : la création de communes nouvelles pourra être décidée à la demande des deux tiers (?) des conseils municipaux des communes d’un même EPCI et représentant plus des deux tiers de la population totale ou à la demande du Préfet. La consultation des électeurs n’est plus automatique.
En ce qui concerne l’intercommunalité, la loi fixe au 1er juin 2013 la date d’achèvement de la carte intercommunale. Les préfets seront chargés d’élaborer, d’ici au 31 décembre 2011 un schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI). Toute compétence communale pourra faire l’objet d’un transfert à un EPCI ou à un syndicat mixte. Le rapport Reiss préconise d’inciter les autorités académiques à susciter des regroupements scolaires afin notamment d’en « améliorer la cohérence avec la carte des intercommunalités ».Une vingtaine d’amendements proposés par l’AMF ont été adoptés, et ont modifié les dispositions issues de la Commission des lois", la nécessité d’un accord unanime des conseils municipaux des communes pour l’unification de la DGF à l’échelle de la communauté, le principe de la mise à disposition et non du transfert automatique des agents lors de la mise en place de services communs au sein de l’intercommunalité. Pour tous les projets modifiant d’ici à juin 2013 la carte intercommunale, les communes seront consultées. Toutefois, à partir de cette date, le préfet pourra rattacher une commune isolée « ou créant une enclave ou une discontinuité territoriale » à un groupement de communes, en passant outre le désaccord de la communauté de rattachement, sauf si la CDCI (Commission Départementale de Coopération Intercommunale) s’est prononcée en faveur d’un autre projet. La mise en place de services communs au sein de l’intercommunalité s’effectuera sur la base du principe de la mise à disposition des agents et non de leur transfert automatique
« La nouvelle gouvernance »
A partir de 2014, les membres de l’organe délibérant des intercommunalités, seront élus par suffrage universel direct dans le cadre de l’élection municipale pour toutes les communes dont le conseil est élu au scrutin de liste. Dans les autres communes (de moins de 500 habitants) les délégués seront élus par le conseil municipal en son sein.
https://fsu95.fsu.fr/wp-content/spip/95/IMG/doc_SPUB-reforme_CT_tableau_comparatif1012.doc